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Kekri

Voilà déjà plus d’un mois que je suis en Finlande et je n’ai encore rien raconté sur cette expérience. Voici donc venu le temps de mettre fin à ce silence.

 

Avant de vous raconter dans un futur article mon quotidien dans ces contrées nordiques, je voudrais revenir sur un événement singulier : le Kekri. Le Kekri est à la base une fête traditionnelle Finlandaise se déroulant à l’automne pour fêter la fin des récoltes. C'était donc une fête populaire mais a presque complètement disparu au 20ème siècle. Aussi fus-je très intéressé par la proposition d’Eliisa (mon hôte) de l’accompagner à une kekri ressortie des cartons depuis quelques années. Vu la distance à parcourir (250 km aller) et les propos d’Eliisa (kekri un peu « new age », mélange de traditions finlandaises et indiennes) je ne m’attends pas vraiment à trouver une fête de village avec des petits vieux du coin. Néanmoins, c’est plein de curiosité que je m’élance le 9 Novembre vers de nouvelles aventures, accompagnée de Sophie, une wwoofeuse anglaise qui travaille dans une  « ferme » voisine (20km c’est voisin pour la Finlande). Les guillemets c’est parce que sa ferme est en fait plutôt un jardin (mais sous la neige c’est juste magnifique, matez la photo !). Nous prenons ma voiture car Eliisa était en vadrouille la semaine durant, on la rejoindra sur place.

 

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(Vous remarquerez su la photo la hauteur du soleil, prise de vue à 13h! Et maintenant c'est pire, le soleil est à cette hauteur à 12h, qui est l'heure du zénith ici à l'heure d'hiver - et vu qu'il y a des forêts partout on ne le voit pas trop...)

 

Nous passons donc un voyage très agréable, à se raconter nos péripéties de wwoofeurs et nos petites vies. Après plus de 4h de routes enneigées, nous arrivons à destination où nous découvrons un campement hippie : une grosse yourte, un feu de camp, une cuisine extérieure,… et des hippies finlandais (je précise finlandais car cela fait quand même une sacré différence, à savoir une organisation quasi parfaite, une très faible consommation de cannabis, bref une « àlazob-attitude toute relative). C’est en fait un WE hors du temps qui nous attend…

 

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Le premier soir, dans la yourte, nous nous passons un bâton et nous présentons tour-à-tour. Nous sommes une quarantaine, la plupart venant des alentours de Turku et Tampere. Il en arrivera d’autres le samedi matin. La grande majorité des visiteurs ont entre 30 et 40 ans, je suis parmi les plus jeunes (il y a cependant de nombreux enfants, mais aucun ado). Nous partgeons ensuite un repas consitué de légumes-racine de saison, très bien cuisinées.

 

 

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Le contact avec les gens est très facile, ils sont presque tous hyper sympa (sauf 2 ou 3 parmi les plus "âgés" -plus de 40 ans quoi- qui se prennent au sérieux en se donnant des rôles qui ne leur vont pas - Eliisa par exemple).

 

Je passe ensuite une bonne nuit dans une baraque de bois chauffée tant bien que mal avec un chauffage au gaz dont l’état douteux nous laissera imaginer (avec Sophie) une nuit pouvant durer bien plus longtemps que prévu… 


Finalement le matin, nous sommes bien toujours là, frais comme des gardons (je me suis même permis une petite grasse mat’), et nous allons profiter du bon porridge servi dans la yourte. Ensuite, place à la « cérémonie », dont je doute de l’authenticité d’un point de vue culturel. Tous en rond, nous commençons par des petits jeux un peu sportifs, plutôt sympa. Ensuite nous sommes purifiés à coups de fumée de genévrier et les « esprits » sont éloignés à coup d’incantations d’une espèce de gourou avec des maracas qui prend son rôle très au sérieux. Même les "habitués" m’avouent que cette incantation n’a rien de traditionnelle, c’est du 100% new age en provenance d’Inde…

 

 

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Bref, vient ensuite le temps de se remémorer les morts, comme à la toussaint (qui avait lieu le WE précédent) nous déposons des bougies en souvenir des morts (c’est comme ça qu’ils font à la toussaint ici, les cimetières sont alors magnifiques !). Sauf, qu’au lieu de déposer les bougies sur des tombes, nous les posons dans la forêt. Nous « nourrissons » aussi nos ancêtres en leur partageant un petit goûter fait de pain maison et de jus de pomme (perso je suis un gros rebelle j’ai mangé et bu l’intégralité de ma portion…). Voilà pour la spiritualité, qui m’a laissé un peu sceptique (m’enfin ça a sûrement au moins autant de sens qu’une cérémonie religieuse pour un non-croyant !)

 

 

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Ce qui vient ensuite est autrement grandiose, sans aucun doute ma plus forte expérience depuis mon arrivée. Il ne s’agit pourtant que de saunas, comme il en existe partout en Finlande (chaque maison a au moins un sauna). Mais cette fois, le nombre de présents lui donne une saveur particulière que je vais essayer de conter…


Ici il y a deux saunas, l’un est un sauna traditionnel, dépourvu de cheminée. Il est donc chauffé au préalable, puis on laisse la fumée sortir avant de l’utiliser. L’autre sauna est tel que ceux qui sont désormais utilisés partout dans le pays et dans le monde, avec un poêle à bois. Il peut donc être chauffé en continu.

En milieu d’après-midi, alors que la nuit est déjà tombée, je me retrouve donc nu comme un ver au milieu de 20 personnes entassées dans le sauna traditionnel chauffé à bloc, en train de chanter et discuter joyeusement. Pour vous faire comprendre le côté particulier du sauna en Finlande, il faut savoir que c’est un pays où le contact physique est quasi inexistant : la bise n’existe pas, la poignée de main est rare, le hug également. Même le contact oral entre inconnus est extrêmement rare. La plupart des habitants sont d’une grande pudeur et ne se confient qu’une fois en confiance. Les hommes en particulier, sont souvent réservés. Mais une fois dans un sauna, paf, le miracle opère : des inconnus à poil peuvent discuter serrés les uns contre les autres pendant des heures, alternant chaud et froid (c’est cette alternance que je préfère : sortir à poil par -10°C venant d’un sauna chauffé à 90° est simplement magique), puis sirotant une bière en se frottant les couilles avec une serviette. J’en viens à penser que les notions de « culture froide » et « culture chaude » sont directement liées au climat et que le cerveau  change pas de contenu en fonction de la température!


Ce sauna ne s’arrêtera pas là, après quelques alternances dedans/dehors, sauna 1/ sauna 2 selon les goûts de chacun (perso je ne sens pas trop la différence si ce n'est qu'il n'y a pas de lumière dans le sauna traditionnel et qu'il est bondé), nous nous retrouverons ensuite aussi nombreux que possible dans le sauna « moderne » pour entonner des chants traditionnels. Un banc de bois est disposé à plat en travers, chacun à son tour s’allonge d’un côté puis de l’autre, se faisant fouetter par deux personnes à coups de branches (surtout feuilles) de bouleau et épines de genévrier. Ça parait très barbare écrit comme ça, mais c’est très agréable!

Après 3 ou 4 heures de sauna, me voilà dehors, assoiffé (j’ai bu en continu mais c’est incroyable ce qu’on transpire en quelques heures de sauna), vidé de toute énergie, mais heureux et riche de cette expérience fantastique.


Je voudrais revenir en particulier sur cette nudité mixte à grande échelle, qui de mon point de vue se rapproche du naturisme mais est tout à fait normale en Finlande, dans le cadre du sauna. Je pense qu’à elle seule, elle est une cause et une conséquence  d’une société très égalitaire et respectueuse d’autrui. En effet, rien de tel qu’un sauna pour se rendre compte que la meilleure façon de respecter le corps des autres est de se trouver dans une nudité mixte. On est alors très loin du cliché de la femme-objet observée nue par l’homme en costard (je pense tout particulièrement à Amsterdam, mais aussi à de nombreuses publicités…). L’homme, une fois nu, ne se retrouve pas plus armé que la femme et, j’aurais même tendance à dire, les hommes paraissent moins à l’aise que les femmes dans cette situation ! Je trouve ça beaucoup plus sain que des peuples qui tentent de s’interdire tout contact en recouvrant les femmes des pieds à la tête, comme si la chair apparente d’une femme ne pouvait qu’être vue de matière perverse. Et à moi enfant d’un pays d’Europe du Sud, ça m’a donné une bonne claque d’humilité, car il faut ravaler sa fierté, accepter le regard des autres pour se détendre dans une telle situation ! Et au final, ça se passe à merveille, car aucun regard n’est déplacé, personne ne porte de jugement, j’avais vraiment l’impression d’être un extra-terrestre avec toutes ces réflexions en tête tant ça semblait naturel pour les autres!


Je continue ma soirée à palabrer avec mes nouveaux amis, le gang des « jeun’s », puisque nous sommes apparemment les seuls moins de 30 ans : Sophie (la wwoofeuse british), Milka (Finlandaise), Ilkka et Eero (deux frère finlandais). On rigole bien, profite du délicieux repas préparé par les organisateurs (poissons, purées en tous genres, délicieux gâteaux) et on décide de se revoir le 15 jours plus tard chez Milka à Turku (un WE qui sera égalament bien cool et où je redécouvrirai les joies du déchétarisme).


Enfin, le kekri se terminera le dimanche matin par un autre cercle mais je ne pourrai pas vous raconter de quoi ont parlé les gens pendant plus d’une heure puisque mon Finnois est encore très rudimentaire !

 

Voici la vue depuis l'endroit, photographiée le dimanche. Malheureusement le peu de neige avait fondu et il faisait bien gris.


 

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Juste magnifique ton article petit Stéphane. J'ai bien rigolé ! La suite ;) !!!
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